Page 67 - Le travail post-retraite
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Le travail, clé de l’utilité sociale et de la forme
Qu’attend le ministre, qui doit aussi protéger les salariés contre les effets économiques néfastes du coronavirus, pour lever toutes les bar- rières d’âge sur le fameux contrat de projet qui autorise les trois fonc- tions publiques (il y en a trois, pas seulement une !) d’État, territoriale et hospitalière, à employer des ingénieurs, des cadres, des professeurs pour des missions allant jusqu’à une durée de six ans75 ? Tout esprit de dénégation à cet égard relève d’une dangereuse hypocrisie. Mais il est indispensable de corréler le travail post-retraite avec une distribution des pensions la plus équitable possible afin d’éviter la catastrophe du contre-exemple sud-coréen.
Kim Sejong, 65 ans, est revenu l’année dernière en qualité de veil- leur de nuit dans le petit hôpital privé de Busan (Corée du Sud) où il avait exercé durant 25 ans comme comptable jusqu’à son licenciement à l’orée de la cinquantaine. «Mieux vaut regarder ce que l’on a dans son assiette plutôt que de se lamenter sur le train de vie que l’on avait auparavant », commente-t-il, plus réaliste qu’amer, en dépit de la triple peine qui frappe nombre de seniors coréens.
Lucien Rocaboy, l’enseignant-magistrat-maire qui voulait toujours apprendre
À 87 ans, Lucien Rocaboy en a fini avec l’institution scolaire depuis 25 ans, mais pas avec la sphère publique ni avec la résidence- retraites-soins-à-domicile-portage de repas (130 salariés) qu’il contribue à gérer. Le goût d’apprendre et de servir. D’apprendre pour servir. Lucien est un grand gaillard mince qui pratique aussi la gym douce et la philo – « Spinoza, c’est passionnant ! » – à l’Uni- versité du Temps Libre. Il avait failli devenir prêtre. Mais la voca- tion du service public ne l’a jamais lâché depuis qu’il a abandonné le grand séminaire au bras de la sœur d’un de ses co-apprentis ecclésiastiques ! Le goût de mettre sa compétence au service de la collectivité ne l’a jamais quitté.
À l’heure de la retraite, il comptait trois ans de séminaire, trois tri- mestres de « pionicat », 30 mois d’Algérie en guerre, huit semestres de fac cumulés avec ses suppléances de cours, 40 ans d’enseigne- ment, des décennies de militance CFDT, trois mandats de maire, de responsable de communauté de communes... Entretemps, il a co-créé une association pour la formation et l’information des
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