Page 69 - Le travail post-retraite
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Le travail, clé de l’utilité sociale et de la forme
à la demande des bijoux, des vêtements, des plis urgents de manière plus rapide et moins coûteuse que les transports de surface. Plus fiable aussi. Les sociétés de course recrutent aux abords de Tapgol, le parc de l’Indépendance au centre de Séoul où pullulent les astrologues et les cartomanciens. Un point de ralliement usuel pour nombre de pension- nés de l’industrieuse capitale.
Compter un revenu de 500 euros mensuels pour un mi-temps dans un pays où le salaire moyen dépasse les 2100 euros comme en France ! C’est la condition pour qu’ils puissent se nourrir, se vêtir et assurer leurs soins, à condition d’être propriétaires de leur maison ou de leur galetas*. Vous verrez à la sortie des supermarchés des femmes âgées qui condi- tionnent les emballages de cartons pour les livrer aux entreprises de recyclage. Les cartonneries les leur paieront au poids. Confucius avait prescrit l’assistance des aînés aux jeunes, puis celle des jeunes aux aînés, mais la dispersion des familles, la maigre démographie, l’exiguïté du logement, le rapide bond économique, l’égoïsme jeune, ont eu raison des solidarités intergénérationnelles.
Résultat : un senior coréen sur deux76 vit sous le seuil de pauvreté (pour moins d’un sur dix en France). Et le suicide des aînés à 70 ans (48/100 000) dépasse le double de la moyenne nationale (22/100000), et le triple à 80 ans (72/100 000). Mais ceux qui le peuvent et le souhaitent trouvent aisé- ment à s’employer comme gardiens d’immeubles, bibliothécaires et toute autre fonction abandonnée par les cadets.
Pourtant, avec 15 % de 65+ aujourd’hui, et le triple en 2050, le pays est à la veille d’une crise majeure des ressources humaines et des retraites car l’insuffisance des générations de remplacement conduira au déclin et à la baisse des pensions qui seraient supportées par une population en acti- vité réduite. D’où la nécessaire prise en compte des compétences seniors.
La revalorisation de leur travail est aujourd’hui étudiée. Car les jeunes générations sont moins dédiées et moins fiables, moins fidèles à l’entre- prise que leurs aînées, comme dans nombre de pays. Même exploité à outrance, c’est paradoxalement sa valeur effective et son éthique qui sont reconnues au senior coréen, sa fiabilité, comme en France. Mais elle pourrait bénéficier d’une meilleure corrélation entre fin de carrière, pension et travail post-retraite, qui en généraliserait la pratique dans l’intérêt des entreprises et des aînés.
* Voir à ce titre le film Parasite, de Bong Joon Ho, Palme d’or 2019 au Festival de Cannes.
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