Page 113 - Le travail post-retraite
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La réserve chevronnée qui sauvera l’activité
sans la clore. Sa « Vie en boîte » du 11 juillet 2019 avait pour thème le «pot de départ», marquant «le mal nommé départ à la retraite» qu’elle évoque cette fois avec le peigne de l’anthropologuetraquant les rites d’une société primitive dans les bureaux : « Des pans entiers de l’histoire de l’entreprise y sont évoqués, des anecdotes donnent un aperçu impressionniste de la culture maison, complétant les pré- sentations officielles désincarnées. L’orateur fait son deuil de cette tranche de sa vie, tout en transmettant son expérience aux plus jeunes. Les plus anciens remémorent leurs souvenirs. Ce qui ne fait que renforcer leur sentiment d’appartenance à cette communauté (...). On passe un voile pudique sur les peaux de banane que certains ont pu déposer sous les pieds de la personne fêtée. Certes. Mais le moment est aussi propice à des échanges profonds et sincères qui n’avaient pu être exprimés, par pudeur ou par respect des conve- nances. L’authentique côtoie donc le fallacieux. Il réconforte celui qui part et ceux qui restent. »
C’est à l’avant-dernière des 53 lignes de sa chronique que la journa- liste-ethnologue avoue qu’il s’agit d’une observation participante et de son propre départ. Qui n’en est pas un : elle donne rendez-vous au lec- teur sur le blog qu’elle poursuit après avoir constaté que le pourcentage des 65+ en emploi avait triplé depuis 2006.
On pourrait être tenté de déduire l’inutilité du pot de départ de cette fin d’article, contrairement à l’étude sur la transition emploi-retraite116. Nourrie d’entretiens au long cours et d’observations croisées, celle-ci détaille l’importance spécifique de ce rite. Or le « pot de départ » (ou le « non-pot de départ » !) est une étape cruciale, révélatrice de la manière dont le travail est vécu. Ce pot peut être perçu comme une apothéose de la reconnaissance manifestée à la personne par ses collègues, ou comme un passage simplement formel, voire une corvée. Il peut aussi être revendiqué comme une manifestation d’indépendance à l’égard des servitudes qu’imposait le travail salarié (par exemple, je dis non au pot officiel et j’organise – ou je laisse organiser – un repas amical en comité plus restreint).
Ce pot ou son équivalent conserve toute son importance avec le travail post-retraite. Car il est l’expression d’un choix personnel de rompre avec un état de sujétion où le salarié était au travail. La rupture administrative et contractuelle avec l’entreprise marque l’admission au bénéfice des droits qui en résulte.
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