Page 91 - Le travail post-retraite
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Les enseignements prospectifs du vieillissement actif japonais
par six depuis 198594. Cette solitude est, avec le manque de ressources, la cause de l’explosion de la délinquance senior (du chapardage et des vols de subsistance essentiellement) qui a quadruplé en 20 ans. La prison offre l’hospitalité hygiénique d’une communauté spartiate que Carlos Ghosn, 66 ans, n’a pas su apprécier ! Dommage pour sa bonne santé !
Catherine et Philippe, seniors start-uppers nippons
Avoir œuvré pendant 60 ans cumulés à eux deux pour l’Unedic, puis pour Pôle Emploi, n’a ôté à Catherine et Philippe Morel ni le plaisir de l’aventure, ni le désir entrepreneurial – et encore moins le goût de la mousse au chocolat devenue à Tokyo leur spécialité maison, sous la marque Catherine Bréard, du nom de jeune fille de madame. C’est au Japon, avec l’affectueuse insistance de leur fils Alix, un sup’ de com Nantes, que les deux vétérans du service public ont entre- pris de donner corps au fantasme de Catherine. Depuis toujours, elle s’était vue en cuisinière sans aller au bout de son désir. Le couple connaissait le Japon pour y rendre fréquemment visite à leur reje- ton. Les Morel ne sont pas partis à l’aventure «sans biscuits»!
Mais Catherine aura attendu la soixantaine pour s’inscrire en 2014 à l’école Cordon Bleu. Elle y obtient un CAP et un BEP de cuisine avant de se spécialiser en pâtisserie et de s’envoler pour Tokyo. Le couple vend meubles et maison pour réaliser, sourire aux lèvres en veste blanche, son ambition et diffuser sa mousse dont, sans donner la recette, elle dit qu’elle est «légère et homogène. Et pas trop sucrée. Les Japonais n’aiment pas le sucre»95. C’est Alix, le businessman normand devenu nippon, qui a identifié le créneau. Un constat: les Japonais se contentent de fades gelées en lieu et place de l’aérienne mousse maternelle. Sa mère a donc commencé par tester – avec succès – son produit en armoires-vitrines frigorifiques via des pop-up stores. Et la famille, qui a besoin d’investisseurs à ses côtés sur un marché exigeant, aimerait pérenniser son activité. Mais rien n’est facile. Le couple a déjà mangé ses économies et s’amuse. Le fils est fier d’avoir trans- formé ses «parents bureaucrates» en «seniors start-uppers»! Catherine approuve: «Si on se répète tout le temps que c’est dur, que l’on est fatigué, on ne fait rien! Ça nous fera de beaux souvenirs dans dix ans sur notre canapé96.»
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